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Article publié le 15 octobre 2023. oOo Quand l’un a soif, l’autre veut boire, Ce sont de vrais larrons en foire, Deux gars de même gabarit, L’un veut du mou, l’autre du roide, L’un de l’eau chaude, l’autre froide, L’un veut du vert, l’autre du gris.
Ils convoitent la même fille, Ce sont deux chiens après un os, Deux clébards dans un jeu de quilles Dans la commune de Tarnos.
On dit pourtant qu’ils se ressemblent, Ces deux-là plus ou moins verveux Sont toujours faufilés ensemble. Ces deux-là, c’est l’eau et le feu !
Avec leur gargue inassouvie, Se ressemblant comme deux œufs, Comme deux gouttes d’eau-de- vie, Ces deux se croient partout chez eux.
Quand l’un veille, l’autre ronflague, Ces deux sont du même tabac, Et même de la même blague, Tous deux ont des hauts et des bas.
L’un fixe en douce le mercure, L’autre lie sans peine les vents ; Leurs gloses sont par trop obscures, Leurs croquis un peu trop savants.
Quand l’un scie, cloue, vilebrequine, Manie tenailles et marteaux, L’autre a sa plume damasquine Pour secourir le roi Pétaud.
Quand celui-ci joue à la mourre, Une poupée à chaque doigt, Celui-là, ballant, s’enamoure Sur les airs d’un soufflet pantois.
L’un dilapide sa fortune, L’autre compte ses picaillons ; Plein aux as ou sans une thune, Nous finissons dans des haillons.
Ces deux ne pêchent, ni ne chassent, Ils préfèrent baguenauder, Je les croise sur leurs échasses, Tout comme eux, j’aime à badauder.
L’un mange son pain dans sa poche, Et l’autre à tous les râteliers. Des œufs, des œufs, je vous en poche, Je vous en fris, gars singuliers !
J’entends bignoles et gazettes : Qui cueille les fruits défendus ? Qui tient l’échelle et la musette ? Le chevelu ou le tondu ?
L’un hue… Hou ! Hou ! Hou ! L’autre claque… Bravo ! Brava ! Brave ! Bravi ! Parterre et poulailler se flanquent Des bravacheries à l’envi.
Jéroboams, chopes, négresses… L’un picte plus que de raison, L’autre goûte à peine l’ivresse, Pour préparer leur oraison. Quand ils sont ronds comme des boules, Qu’ils ont bien mangé et bien bu, Pour le plaisir, ils se saboulent, Des comédiens à leurs débuts !
Comme mon clan, ces deux se moquent Des dévotieux et des mondains. Garçonne, deux crêpes, deux moques De cidre pour deux morts badins !
Une ressemblance en détrempe, Tantôt sereins, tantôt hagards, On les dit de la même trempe, Mêmes gestes, mêmes regards.
Ils ont de l’air l’un de l’autre… Ouille ! Chacun a une demi-sœur. Ces quatre-là, toujours en brouille, Me prennent pour un rimasseur.
Sans doute nés après la guerre, Probablement du même pieu. Ces deux-là ne s’en doivent guère, Tantôt parpaillot, tantôt pieux.
L’un est né avec la crépine, L’autre tiré avec les fers, L’un gambille, l’autre clopine L’un loue Dieu, l’autre Lucifer.
L’un met de l’eau dans son picrate, L’autre du pinard dans son eau, L’un ne se foule pas la rate, Quand l’autre roule leur tonneau.
Ces deux-là, dit-on, décapellent Leur camisole sans courroux, Les deux ont leur pioche et leur pelle, Chacun pour l’autre creuse un trou.
Ces deux que j’affuble de rôles Tordus, tordants, muets, bavards, Quand je m’enferme au verrou trôlent, Bouleversant les boulevards.
L’un préfère la solitude, L’autre affronte la foultitude, Mais tous les deux goûtent l’ennui ; L’un s’éclope, l’autre s’enivre, Les deux se pagent dans mon livre Pour une belle et longue nuit.
Robert VITTON 2023 |
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