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Inventaire des pertes (feuilleton)
En attendant monsieur LSD

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 Article publié le 21 avril 2024.

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N 1988-04

En attendant monsieur LSD

Type : 2 feuilles A4 recto tapuscrites – sans doute également une version ms ; Dates : ca mai 1988 ; Matières : poème : Textes : En attendant monsieur LSD : Dessins : non

 

Je garde un souvenir confus de ce poème dont le titre est également celui d’un chapitre de la version initiale du Sens des réalités, élément qui a assurément contribué à restaurer un débris mémoriel mal cerné. Il s’agissait d’un poème d’une structure assez carrée, ce qui ne m’était pas habituel. Il devait être composé de quatrains et évoquait un « nous » indéfini. Les strophes se terminaient systématiquement par cette phrase : « En attendant monsieur LSD » (ou « Dans l’attente de monsieur LSD ?) » Je n’étais pas satisfait de ce poème, à dire vrai. Il mimait, excessivement peut-être, une forme de discours prophétique mais en l’encadrant dans une régularité de vers qui le rendait un peu plus obséquieux. Je n’avais pas fait l’expérience du LSD alors et il ne s’agit pas de l’histoire d’un homme qui attend son dealer. Il faut sans doute y voir une paraphrase de la chanson des Doors, « Waiting for the Sun ». S’il y a évocation de la pièce de Samuel Beckett, en revanche, elle ne peut être que superficielle. Je n’ai vu la pièce, un soir à la télévision, que deux ans après.

 

Parmi cette première génération juvénile de poésie, ce texte est assurément un poème tardif. Il est probable qu’il soit contemporain de l’écriture du roman chaotique, dont « En attendant Mr LSD » est le titre du 18e chapitre. Mais la narration qui l’habite ne serait d’aucune aide pour une hypothétique restitution de la matière textuelle perdue. Au contraire, il s’agit de l’une des dernières séquences, marquée par une intention narrative qui s’affirme laborieusement, ce qu’accusent notamment les scènes dialoguées. La scène semble se dérouler en Nouvelle-Zélande et réunit des militants d’une mouvance néantiste clandestine.

- Ern-Streizald n’était certainement pas seul !, dit enfin le Néo-Zélandais à Finn.

- Non mais c’est jusqu’ici le seul que nous ayons pu repérer. Il y a eu aussi… Tu te souviens du film d’un cinéaste plutôt underground ?

- La revanche de Vera Gemini ?

- Ouais, c’est ça.

- Ouais, je sais. Carrément saboté, c’est ça ?

- Ouais.

Finn se replongea dans ses pensées.

- Tu sais ?, l’interrompit le Néo-Zélandais.

- Non, quoi ?

- On pourrait y aller avec un pote à moi.

- Il fait partie du groupe ?

- Ouais, plutôt. Je ne pense pas qu’il ferait trop de problèmes pour nous héberger et il a peut-être du neuf.

- Ouais, bah alors ouais.

Ils marchèrent encore un bon quart d’heure avant d’arriver chez le militant. Le type mit un moment avant de leur ouvrir.

- Ça va ?, demanda le Néo-Zélandais en entrant.

- Toujours !, répondit l’autre en souriant. Entrez, je vous prie. Qui c’est, ça ? Il n’est pas trop grillé, j’espère ?

- Non, pas ici, répondit Finn de lui-même.

- Parce qu’en ce moment, c’est chaud.

- Ça se resserre ?

- Plutôt ! Plus ça va, plus on doit chercher loin, pour trouver ce serait-ce qu’une foutue date, ou un truc comme ça. David et Watts se sont fait buter la semaine dernière. Il va falloir que je quitte le pays.

- Ah bon ? Et où veux-tu aller ?

- En France. J’ai rencontré un Français qui va m’y emmener clandestinement.

- Pourquoi clandestinement ? Tu n’as pas de mandat d’arrêt à ton nom, si ?

- Oh, ce n’est pas la question. C’est là-bas qu’il ne faut pas que je sois vu. J’ai quelques projets en tête. Et si tout va bien, je n’existerai bientôt plus pour le monde entier.

- Ça tombe bien ! Le monde entier n’a pas fixé ses yeux sur toi.

- Je crois que tu ne comprends pas où je veux en venir. Je vais te dire un truc…

A comparer ces pages du Sens des réalités avec l’absence du poème dont j’essaie de retracer l’existence, j’ai le sentiment que ce printemps 1989 a été le temps d’un essai de normalisation. Le flux initial, quasi incontrôlé, perdait en intensité. Le mode de versification plutôt régulier du poème tel que je me le représente correspond assez avec ces dialogues qui miment on ne sait quel genre de roman d’espionnage ou de polar, dans ce qui a pu m’apparaître par la suite comme une forme d’appauvrissement ou de régression. Mais c’est peut-être une vue de l’esprit : il n’est pas certain que les deux textes soient si contemporains l’un de l’autre.

 

Ce dont je me souviens plus clairement, c’est d’avoir présenté le poème à des amis, au Celtique à Bondy, autour d’un café. C’était un temps où je les retrouvais régulièrement dans ce débit de boisson qui faisait également tabac et disposait d’un espace pour le billard (que je ne pratiquais pas moi-même). Un gars que je ne connaissais pas nous a interrompus et a commencé à m’interroger sur ce que j’écrivais. Il m’a parlé des Who, ce qui m’a troublé. Je retournais alors quasi rituellement au Grand Pavois le samedi matin pour revoir Quadrophenia. J’ai mis un peu de temps à comprendre que le type se moquait de moi, ce qui n’a pas eu d’incidence par ailleurs. Chacun est retourné à ses occupations. 

 

 

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