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![]() oOo ![]() Mon père égare le jour, renverse ses souvenirs dans les flaques du matin, ses mains cherchent des noms qui s’effacent comme des oiseaux dans la brume, et ses yeux sont des horloges en panne où le temps s’amenuise, filet d’eau sans source, silence griffé d’éclats d’ombre.
Ma mère porte une blessure invisible, une faille où s’engouffrent les heures, chaque battement de son cœur est une lueur vacillante, une mer repliée sur elle-même. Elle avance dans la maison comme une ombre en équilibre, laissant derrière elle un parfum de pluie et de songes effacés.
Je les regarde s’user sous la lueur livide des lampes, leurs voix tissent des toiles d’araignée sur les murs, les mots hésitent, trébuchent, ils parlent à l’envers, à voix basse, comme si l’oubli les guettait dans le miroir.
J’ai peur— peur de leurs corps qui deviennent fragiles comme des écorces, peur de leurs âmes qui s’effilochent, peur de ce jour où ils partiront en silence, Derrière eux des odeurs de linge froissé et d’herbe mouillée.
Le monde vieillit avec eux, par la fenêtre la mer a des rides d’étain, les arbres inclinent leur tête sous le poids du vent, et moi je vacille, moi je me perds dans leurs nuits trouées.
Ô vie, serpent d’ombre qui les enlace, ne serre pas trop fort— laisse-moi encore les entendre respirer, encore un instant, encore une aurore avant l’effondrement. |
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