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Article publié le 6 décembre 2004. oOo María Kodama, Présidente de la Fondation Internationale J.L.Borges. Qu’est-ce que c’était pour nous l’art ? C’était la possibilité magique de percevoir la réalité à travers les sons, les couleurs, les textures qui, par la mutation de l’alchimie de la création, offrent le mirage d’une autre réalité. C ’était l’émotion partagée, puisque vous l’avez compris, lorsque, au pied du grand escalier du Louvre, en levant les yeux, j’ai découvert la Victoire de Samothrace, que, en ce moment, le temps arrêté, je voyais, superposée à cette sculpture, l’image d’une figure d’un livre d’art offert par mon pére. A quatre ans, avec ce livre, il m’a donné sans que je le sache, la première leçon d’esthétique de ma vie. Il m’a appris le sens de la beauté. Je me souviens que, devant mon désenchantement, en effet l’image n’avait ni tête ni figure, avec une patiente infinie, mon pére m’a dit d’observer les plis de la tunique agités par la brise, arrêter ce mouvement, la brise, pour l’éternité, c’était cela , la beauté. L’art et rien que l’art pouvait l’atteindre. Je ne l’ai jamais oublié ; cela a marqué, en quelque sorte, ma vie et s’est projeté dans notre relation. Notre relation épurée, à travers le temps, qui a eu différentes faces jusqu’ à aboutir dans l’amour qui nous habitait bien avant votre déclaration, bien avant que je prenne conscience de mes sentiments.Cet amour qui, révélé, devint une passion insatiable pour remplir ce sentiment vague et confus que j’éprouvais pour vous dés mon premier âge, au moment oú quelqu’un me traduisit un poème dédié à la femme que vous aviez aimée avant ma naissance. Vous lui disiez :
Cet amour dont vous laissiez des traces tout au long de vos livres, sans me le dire , jusqu’ à votre révélation en Islande. Cet amour protégé, comme dans la "Völsunga Saga", par un halo enflammé dont l’éclat nous cachait des regards indiscrets, pour devenir Ulrica et Javier Otárola , mes noms choisis parmis tant d’autres, pour les inscrire sur la stèle en pierre qui signale l’instant oú votre âme est entrée dans la Grande Mer comme les Florentins nomment la mort ; mais que, en même temps, elle témoigne de notre rencontre. La mort et la vie ne constituent pas de signes opposés, paradoxalement ; ils coulent ensemble et le lien qui reste entre celui qui part et qui reste est l’amour. Violà pourquoi quand on m’a apporté le projet de faire une exposition de peinture, inspirée des oeuvres que vous m’aviez dédiées, j’ai craint la matérialisation que vos mots souffriraient car ils deviendraient une source d’inspiration pour d’autres créateurs. J’ai pourtant réfléchi à la véhémence des moments vécus dans les musées, aux quatre coins du monde et j’ai pensé que cela pourrait devenir une alchimie merveilleuse qui mettrait en valeur l’Amour cherché à tâtons par deux âmes qui ne se nommaient pas encore, qui ont été, sont et seront éternellement, un homme et une femme, Tristan et Iseult, Dante et Béatrice, Frida Kahlo et Riviera, Ulrica et Javier Otárola, peu importe leurs noms pourvu que, dans leur rencontre, ces âmes éprouvent une possesion mutuelle, à travers la flamme d’une passion inextinguible qui ne s’éteint jamais ; au contraire, elle encourage à supporter, comme Paolo et Francesca, même en enfer, le châtiment qui n’est pas si terrible, puisqu’il est partagé. Pour ceux qui s’aiment tout est illusion : l’enfer, le monde, car il n’existe qu’eux. Cette dynastie qui ne s’hérite ni s’achète constitue un défi et un don qu’on doit préserver tout au long de la vie et au-delà encore, à travers les siècles, pour la magie de l’art. Au milieu du centre de notre jardin secret se dresse cette flamme : elle appartient à la dynastie des amants. A partir de la rencontre, grâce au mouvement conjoint des astres ou du hasard, selon vos voeux, cette invisible chaîne continue à se construire et, transmuée en art ou tout simplement parce qu’elle est vivante, elle assurera que les nouvelles générations croient toujours à l’harmonie du monde, malgré tout.Cette flamme, dont je souhaite qu’elle soit un phare dont la lumiére couvre l’immensité de l’univers, j’espère que vous la ressentiez et qu’elle persiste dans l’âme humaine. Et soyez sûr que cette flamme d’amour, de loyauté, de passion qu’un jour nous avons partagée, continue toujours vivante en moi, pour vous "for ever, and ever.....and a day". María Kodama à Jorge Luis Borges. * texte en anglais. Carta ¿o poema ? de María Kodama a su amado Borges. ¿Qué era para nosotros el arte ? Era la mágica posibilidad de percibir la realidad a través de sonidos, de colores, de texturas que, transmutados por la alquimia de la creación, ofrecen el espejismo de otra realidad.
Ese amor del que fue dejando trazas a lo largo de sus libros, sin decírmelo, hasta que me lo reveló en Islandia. Ese amor protegido, como en la "Völsunga Saga", por un màgico círculo de fuego, cuyo resplandor nos ocultaba de las miradas indiscretas, para poder ser Ulrica y Javier Otàrola, nombres que elegí, de todos los que nos dàbamos, para grabarlos en la estela de piedra que señala el punto desde el que su alma entró en el Gran Mar, como llamaban a la muerte los florentinos ; pero que, a la vez, relata nuestro encuentro. Aunque parezca una paradoja, la muerte y la vida no son signos opuestos, sino que son un solo fluir, y el vínculo entre el ser que parte y el que queda es el amor.
María Kodama, What was art to us ? The magic possibility of perceiving reality through sounds, colours, through weavings that, transformed by creative alchemy, offer the mirage of a different reality. It was the shared emotion, because you knew, when at the foot of the Louvre steps I rose my eyes and discovered the Samotracia Victory, that in that moment, voiding time, the image of an art book leaf given to me by my father was overlapping this sculpture. With this book, without me being conscious of it, he gave me, at the age of four, the first aesthetics lesson in my life. He taught me beauty. I remember how, because of my disappointment at the figure having no head, no face, with infinite patience he told me to watch the tunic’s folds waving under the sea breeze. Stopping this movement, towards eternity, that sea breeze, that was beauty. Art, and only art could manage this. I never forgot ; this someway marked my life, and forwarded itself in what was to be our relation. Our lee relation, travelling through different facets as time went by, till it grew into the love that dwelt in us much before you ever mentioned it to me, or I was aware of my feelings. This love, that once discovered, was unquenchable passion, filling in the vague, incomprehensible childhood feeling I lived when someone translated to me a poem you wrote to a woman you loved before I was born. You wrote to this woman :
This love that left its footprints throughout your books, without telling me, till you revealed it to me in Iceland. This guarded love, as in the "Völsunga Saga", thanks to a magic fire circle , whose light guarded us from unwanted watchers, allowing us to be Ulrica and Javier Otàrola, names I choose, among the many we called each other, to carve in the stone marking the spot from whence you soul dived into the Great Sea, as Florentines would call death ; but as well, mark our meeting. Though it might seem a paradox, life and death are not opposite signs, but an only flow, and love is the link between who leaves and who remains. This is why, when I was shown the project of a painting exhibition on the works you dedicated me, I was afraid of the materialisation your words would undergo when blended into inspiration motives for other creators. Still, I thought about the dept moments we lived at the museums, throughout the world, and concluded that perhaps this could be a marvellous alchemy extolling a Love blindly sought by two still nameless souls, that were, are and shall be a man and a woman, Tristan and Isolda, Dante & Beatriz, Frieda Kahlo & Rivera, Ulrica & Javier Otárola, names little matter so long as in their meeting they feel they belong to each other with the unquenchable passion flame that not only never ends, but bestows strength to feel that, even in hell, as Paolo and Francesca, this punishment is not terrible because it is shared. For those who love, even hell is an illusion, as the world itself is, because only they exist. This non inheritable and non payable dynasty is a challenge and a gift that must be kept throughout our life time and beyond centuries, through art’s magic. From the heart of our secret garden rises this flame, belonging to lovers’ dynasty. From our meeting onwards, thanks to the pre agreed star movement, or, should we rather have it, to luck, the invisible chain is linked, that, carried on by art or by the sole fact of living, shall manage that future generations will, in spite of all, keep on believing in Universe’s harmony. This flame I hope shall bee a spotlight whose rays reaching the unthinkable limits of the world, so that if anything remains of the human soul, it shall reach you, and you shall feel that this flame, built on love, faithfulness, passion, that once we shared, is alive in me for you "for ever and ever ...and a day" * María Kodama, to Jorge Luis Borges. This letter was published en "De Borges a María Kodama" Translation : Patricio Doyle doylepatricio@arnet.com.ar |
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