???? ! ( DIADIA : grand-père)
Les yeux agrandis par l’horreur et la peur, il tournait autour d’un cadavre. Il répétait sans cesse son nom, le numéro du bâtiment où il habitait, le numéro de l’étage, le numéro de l’appartement. Il ne pleurait pas, il tremblait et tournait, tournait, tournait autour de l’homme allongé qui venait d’être massacré sous ses yeux.
Il avait cinq ans à peine. Il criait « ??? ???? ! ( moy diadia : mon grand-père !)
Petit enfant tchétchène.
Cette eau qui coule de tes yeux et brûle tes paupières
Tout ce sel
Qui ruisselle
Sur tes joues
Sur tes jours
A chaque émoi
Quand une image empoigne ta raison et la fait chavirer :
un geste tendre ?
un regard d’enfant abandonné ?
Déjà un démon a tari ses yeux, mais il crie !
Alors tu vois un oiseau qui plane longtemps sur un pays dévasté,
Puis une pente de neige vierge t’éclabousse de lumière.
Cette eau qui s’échappe et qui roule
Ces ruisseaux d’eaux salées
Depuis combien de temps et combien de torrents en as-tu déversé
Dans l’apitoiement sur toi-même
Quand d’étranges vies se superposent à la tienne ?
Chacun récite son histoire
Chaque écheveau de vie s’emmêle à d’autres vies.
Ah, le bel exercice !
L’image serait-elle un vice ?
Ou bien sévices
Culturels ?
Surtout
Ne pas céder
A la facilité de tout ce qui s’ordonne, se range, se rime !
Chaque douleur chaque misère chaque insulte chaque crime,
Chaque injustice,
Chaque profit pognon pouvoir,
Chaque soulèvement
De ton indignation stupeur colère écoeurement,
Dans les parcours sinueux de ton alambic intérieur
Tout cela se transforme et mouille ton visage.
Toute cette eau !
Cette eau jaillissant
A chaque instant.