PVP : 20,00 Euros
68 pages - 200 x 220
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Tristan Leroux se ballade au cœur de l’exposition Sept Portes Monumentales. Il écrit...
Il n’y avait plus de portes monumentales. Le voyage s’achevait en douceur, car je continuais de recevoir des images, des paysages extraordinaires m’étaient donnés, des couleurs que j’avais oubliées. Il m’arrivait des mots et des idées. Ainsi se poursuivait-il le dialogue avec l’œuvre sans que j’eusse pour cela le moindre effort à fournir. Le voyage avait ouvert ma sensibilité, l’avait accordée, l’avait renforcée. Je n’avais pas quitté mon bureau, et j’avais pourtant l’impression d’avoir fait le tour du monde.
J’étais allé en forêt, il est vrai, pour voir les œuvres grandeur nature. Mais, mise à part cette escapade dans le centre de la France, je n’avais pas quitté la pièce, et je me sentais pourtant comme un voyageur au long cours tout juste revenu d’expédition. Tel est le pouvoir des images. Tel est le pouvoir de l’œuvre picturale. C’était pour moi une découverte que la force d’évocation de la peinture abstraite. Elle était un parfait véhicule pour mes mots qu’elle emportait jusqu’au bout du monde. Oui, c’est cela, elle emportait mes mots afin de leur faire dire ce que je ne savais pas encore.
Un poème, ce sont des dizaines d’images, dont la sarabande commence dès le titre, puis se poursuit à mesure que la phrase se déroule ; la multiplication des images est alors exponentielle. Elle est surtout unique ; c’est à dire que chaque lecteur génère ses propres images, qui diffèrent de celles du voisin, qui diffèrent même des images qu’avait le poète en écrivant. Cette caractéristique fait que le lecteur est aussi un créateur, et, s’il ne signe pas l’œuvre, il la réinvente à chaque nouvelle lecture. Ces images
n’appartiennent pas en propre à l’œuvre, mais l’œuvre n’existe pas sans elles ; elles agissent sur l’interprétation, elles sont changeantes, protéiformes ; elles sont la vie, elles sont le sang du poème.
Il y avait ceci, chez Novalis :
« Il y a un sens pour la poésie, un état poétique qui est en nous. La poésie est complètement personnelle, c’est pourquoi elle est indescriptible, elle n’est pas à définir. Celui qui ne sait pas, qui ne sent pas directement ce qu’est la poésie, aucune idée ne pourra lui en être donnée : la poésie est la poésie, infiniment différente de l’art d’écrire ou de l’éloquence. »
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