Liens défectibles se disséminent à la faveur des lieux
Par amour de dieux enfuis
Odin veille
Dans la roche souriante
A l’orée du bois,
A la croisée des deux chemins
Une niaiserie chrétienne barre la vue
Occupe l’espace, le temps de détourner le regard
Bûcherons habiles tracent les sentes qui laissent seul en plein bois
Retracer le chemin qui se perd dans les bois,
Et ne rien relater, ne rien collationner
Pas de désarroi, nulle panique pas après pas,
Rester assis sur une large souche un long temps à écouter ce qu’ourdit la forêt
Le ciel s’est tu, la terre ne parle pas, jamais, au grand jamais,
C’est entre humus et canopée que le temps assiste
A la naissance de rien
Tout sépare, tout relie,
Et le tout de ce tout, dans un même mouvement, délie, rassemble, ravage et guérit,
Radieux et serein
Gour de Conche
Entame la roche tuffière
Leçon d’énigmes par le peintre rassemblée
Voici longtemps,
Quand le temps de dire oui n’était pas encore venu
Consentir à dire oui, ne jamais dire amen à tout,
Grande énigme
Qui s’annonce dans le sombre de ses couleurs déliées
J’ignore toute raideur quand je vais par les bois
Volée de bois verts et bois mort,
Jeunes pousses et fûts majestueux des hêtres centenaires,
Tumulte des lichens bleutés et des mousses,
Fiers lierres
Au bal d’Odin, reine est la musique,
Reine d’un soir revient toujours,
Jamais sur le retour,
Vive, alerte et verte,
Compagne des branches-lyres et des roseaux flutés,
Elle délivre l’énigme du message,
La dépose sur le plateau d’argent des eaux limpides
Oui, oui mille fois,
Et que l’énigme, du message disjointe enfin, de mille feux
Dans les yeux de l’enfant, brûle et brille,
Danse dans la berce de ses rêves
Au petit matin !
Avide présence de mon amour, dans l’aride révélée,
Aide précieuse par les temps présents qui courent, qui courent
A en perdre l’haleine des prés fleuris
Pluie de printemps, neige des hivers lents à passer,
Remâche des automnes latents,
Clins d’œil de nos étés brûlants,
Telle la mise du temps murmuré
Sur tes lèvres se brise le vent
Pavot et mémoire,
Orchidée et orchidée,
Entre temps quel chemin !
La lande ne te dit guère dans cette guerre des mémoires,
Ami lointain qui aima d’un amour sincère la clairière abusée
C’est peut-être maintenant que tout se joue,
Le temps à rebours, à cheval sur les principes, galope dans la plaine,
Tous, nous sommes assis à califourchon sur la branche vineuse du temps,
Nous aimerions ressembler à des sarments de vigne noueux,
Mais l’ivresse n’est plus de mise
Et l’aube, au feu promise,
Voilà qu’elle sourit au premier veneur venu
Coquelicot délavé soudain promis à la claire présence de ses graines à venir
Présence-absence de dieux aimés
Dive aisance aux rives parfumées
Notre trilogie des murmures
Les digues craquent
De vastes nuages gris font un manteau de pluie
Dans le ciel ruiné, un essaim de corbeaux griffonnent des runes
Passe à l’écart une femme de haute taille vêtue de lin blanc
Dans son cœur les runes chantantes,
Haletantes
Halte en plein cœur des brumes,
Solitudes glacées,
Vastes étendues de neige,
L’hiver enfin venu
Dans la flaque noueuse-gelée, je chercherai mon image,
Ne l’y trouverai pas
J’ylirai bien plutôt des présages
Le printemps venu,
Mouvements gracieux des salamandres nombreuses
Délivrent l’oracle endormi
Au moment que tu auras choisi
Eau et feu à ce point disjoints dans la peine et le chagrin
Eau et feu fassent que les fastes d’antan s’effacent,
Qu’eau et feu aux sources vives abondent
Dans le sens du large,
Tapies encore dans les tapis de mousses,
Audibles à peine dans les lichens ardents
Oh oui, que là où courent les eaux nombreuses fleurissent l’iris bleu
De ta joie, mon amour,
Et fasse qu’un ciel au feu appariédéverse l’eau rugueuse des orages,
Ainsi abreuvent les preuves
Et qu’abondent enfin les ilots de résistance
En terre esseulée
Dans la caverne oubliée dorment des signes
Plus de mer à portée de bateau, ou de pirogue,
Plus de digues écarlates,
Plus de mares de sang
Plus qu’un combat incessant
Plus de frein, plus jamais, dans l’effusion naissante à la pointe de tes seins,
O ma douce colline alluviale de sûre provenance
Oui, plus jamais ça
Nie wiederKrieg !
Ombres et lumière,
Bougie soufflée dans la chambre haute
Des jambes, des jambes emmêlées montent dans le cœur des amants
Odeur de pain grillé et de café noir au petit matin
Dans la maison forestière
Rondeur des jours
Le soir revenu,
Rayons de lune rousse sur la frêle couche,
Le tapis des mousses,
Les eaux noires de la tourbière millénaire,
Les arbrisseaux atrabilaires,
Les arbres murmurants,
Les seins de la belle endormie
Dans les bras du destin
Amande douce, peuples des arbres,
Souverain élan de vos amours contrariés
Dans le chaos ainsi créé se tenir droit,
Relever les défis d’hier et d’aujourd’hui,
De cœurs en cœurs serrés saluer la vie aux mille visages
Dans cet abri précaire mais souverain
Faire signe encore et encore,
Sans jamais se signer,
Sans jamais lâcher prise,
Au malheur hurlant tourner le dos,
A la bêtise rampante, aux saveurs douçâtres,
Emboîter le pas au froid mordant
Mordre l’azur, frémir d’horreur,
Et puis dans un dégoût recracher le venin des peines,
Et le pétrir, le pétrirenfin, ce pain nouveau,
Epeautre à foison, blé dans la plaie béante des temps,
Tout ce que tu voudras, toutes céréales bienvenues à cette fête ardente,
Dans cette pâte fine que ta main oblique compose
Instiller le levain des lendemains fervents,
Le sel des délivrances,
Loin, si loin des grands soirs penauds
Rebelle, tu l’as toujours été, amour
Ardente mémoire enchâssée dans les pleins et les déliés
D’une écriture encore à venir
Lente renverse du temps,
Piété nouvelle pour une absence si grande qu’elle frise le ridicule,
De haute lutte ranimer la flamme ardente en gésine dans les plis du temps
Amitié va le chemin
Là et là-bas dans la plaine humide,
En tous lieux aussi bien
Sous le feu couve la cendre
Cendre et eau,
Pain et vin,
Cuisante mémoire des guérisons lentes,
Plaies longues à se refermer,
Passeuses d’avenir lent-latent
Oblique présence de l’impossible humain
Bataille inexpiable
Dans Vézelay endormi
D’elle, où prêcha pour notre malheur
Un personnage de triste mémoire,
Chien de garde de la foi,
Tu n’aimes que cette vierge ardente et folle qui tire la langue
A quila regarde en face
En levant les yeux au ciel
Les cheveux en bataille, l’enfant turbulente sait où se trouve la tombe
Ne s’y recueille pas
Plus tard, bien plus tard,
Son père lui dira qu’elle fut son émotion à la vue de cette rose rouge dans un pot de fer
Qu’il trouva voici bien longtemps posée sur la tombe austère
Contraste des temps, lentes fusées des souvenirs,
Effusions naïves ou savantes,
Plein jour, plein feu,
Dans cette vie à ciel ouvert
Jean-Michel Guyot
19 juillet 2014