Elle n’était guère froide ce matin
Elle prenait le train souvent
Paris, les quais de Seine, un amant
Compression du temps
Passé-présent, c’était ses mots
Suivre le fil, dérouler la pelote des sensations agréables
Aimer le piquant des lieux, le piment dans les yeux des passantes
Remonter le fil du temps
Jouer à cache-cache avec les sentiments
Au chat et à la souris avec sa propre vie
Se laisser faire, s’ouvrir, s’abandonner
Pour quoi faire ?
Une pelote de laine chaude dans le cœur
La dérouler, détricoter le malheur qui tenait lieu de chandail
Ne pas se pendre, ne pas se pencher sur la margelle
Ne pas se perdre
Aller de l’avant dans un monde vertical, c’est difficile
A l’ombre des grands buildings dans Manhattan endormie
Lever le nez, des lumières partout dans cette solitude grouillante
Lèpre des jours, peste des temps
La peste brune persiste
J’ai jeté l’encre dans un port oublié
Carnet de notes pour un roman à venir écrit sur le fil du rasoir
Ecartelé entre sang et sens
L’hémoglobine des actes, le sang des actions, frissons,
La fiction pour seul lien
La fictioncoule dans les grandes artères de la ville
Eau noire, luisante, forte odeur de pétrole brut
L’encre bleue de mon enfance suffit à raviver la plaie vive de l’automne
Un peu d’adrénaline pour madame, oh toute songeuse,
Une valise à la main sur le quai de gare
Rouen s’emporte, s’enflamme
Jeanne au bûcher, encore verte
Elle se demande au moment de brûler, s’il n’eût pas été préférable de s’exiler
Les charbons ardents de sa pensée
Un puits profond les avale, on l’entend déglutir depuis la nuit des temps
Ça glougloute dans les entrailles de la terre
Un geyser se prépare quelque part en Islande ou ailleurs
Les volcans s’inclinent, poussière en altitude
Tout s’arrête
Le train arrive en gare
Sourire de rigueur,
Rouge à lèvres bien mis, et collier de perles de culture au cou
Elle balance entre oui et non
Elle dira oui pour le plaisir d’être quelque part bien au chaud
Dans un certain confort affectif
Un confort certain conquis de haute lutte dans Manhattan endormie
Il vaut mieux tenir que courir
Sagesse des nations, paix dans les chaumières
Le palais de cristal au bord du lac endormi brille de tous ses feux
A l’Ouest, c’est dur à dire, rien de nouveau
L’Est est plus prometteur
Mais les promesses n’ont qu’un temps
Le temps d’être trahies par les vagues montantes,
Les vagues nouvelles qui imitent si bien les anciennes
Vieilles antiennes jazz toujours aussi vraies, toujours aussi prenantes
J’ai cherché la musique ultime
J’ai rencontré les musiciens du soir
Au matin, sourire au vent
Et que la pluie est fine et pénétrante
Ta mélodie, vieux ciel de mes ancêtres, n’a pas fini de nous étonner
Nous sommes toutes ouïes dans le noir ébène, la blancheur amène,
Le rose fécond, le brun des pluriels
Seule manque la blondeur rieuse des blés
Ce sera pour une autre fois, une autre harmonie,
Un temps autre que la musique chasse devant elle depuis la nuit des temps
Il est là, elle fait bonne figure
La journée sera belle
Jean-Michel Guyot
27 septembre 2014