Melinnô ou Mélinna est une poétesse grecque du 1er siècle dont il ne nous reste que ce texte. Admirez sa volonté d’embrasser avec amplitude et fluidité ce que Rome suscite. Admirez sa faculté de célébrer en toute esthétique l’hégémonie de Rome. Au 1er siècle, donc, au moment où les fondations de l’Empire, sous Auguste, s’imposent. Au moment, aussi, où la placidité conquérante des Romains envahit tout le bassin méditerranéen.
ODE A ROME
Je te salue, Rome, fille d’Arès, au Diadème d’or, maîtresse de
vaillance, qui habites le sanctuaire sacré d’un Olympe sur terre,
infrangible toujours.
A toi seule l’antique Moire a donné le talisman royal de victoire
pour un empire indestructible. Ainsi tu as la force et la domi-
nation, et tu commandes.
Sous le joug de tes fortes attaches, les poitrines de la terre et de
la mer blanchissante d’écume sont étreintes. Et toi, sans que glisse
ta main, tu tiens la barre pour les villes des peuples.
L’énergie qui tout renverse, le temps immense, qui transforme
la vie au prix de maints changements, pour toi seule ne laisse
pas tourner le vent qui emplit les voiles du pouvoir.
Oui, toi seule au monde, tu enfantes les guerriers les plus puis-
sants, hardis au combat par la lance : comme de Déméter la
récolte aux épis féconds, ainsi tu rassembles ta moisson de héros.
Vingt siècle plus tard, voici ce que j’écris sur la Ville, à la suite de Melinnô que je salue.
Le courant du Tibre, c’est le sang des Romains. Ici, de la plaine insalubre est né le pragmatisme universel dont les formes, dont la matérialité - routes, ponts, aqueducs, temples, amphithéâtres, péristyles … - est encore et toujours visible. La victoire irrigue génétiquement les veines romaines, le blé est sans cesse ravitaillé, il emprunte la modernité des routes, sous l’oeil implacable du préfet, tandis que plus loin, l’organisation des légions, leur professionnalisme repousse les indésirants. Ou annexent, avant d’écrire le droit. Naissance de la conquête juste.
L’étendard SPQR flotte sur l’espace, le temps, lui, s’étirant au rythme des conquêtes, des mutations, des superstitions.
Par Jupiter …
Par Mercure …
Les entrailles du poulet sont soumises à lecture, au regard du devin ou de l’oracle, alors que le plus habile des gladiateurs provoque le dressement du pouce.
Le dressement du pouce impérial.
Loin du fleuve, le tigre parade, oui, il impose la robe striée de son squelette, le « jaune et le noir » , dominé par d’inoxydables dents de sabre.
Les cheveux tressés, là, ornent le front de la patricienne, la garde prétorienne, elle, veillant au princeps.
Les lois évoluent, les mœurs, aussi, le meilleur de l’Orient est absorbé.
Jouer aux dés dans les jardins, se rendre aux thermes, apprendre le grec …
Célébrer les fêtes du calendrier dont celle, unique, qui abolit puis inverse les rôles de maître et d’esclave …
Nommer des femmes exemptes de tout reproche, des femmes parfaites, pures … les vestales …
Vivre l’amitié sous le soleil d’airain de Rome …
Seule demeure immuable, dans cette odyssée, la devise … SPQR.