Il y a à Bobigny un secteur qui s’appelle « La Folie ». Et une station de bus, « La Folie ». Juste à côté de « Chemin de l’usine », sur une nationale industrielle, presque patrimoniale tant les bâtiments dégoulinent d’histoire.

Je pense à ce coin, je l’ai traversé - j’ai essayé de calculer combien de fois j’avais arpenté telle ou telle autre rue. Enfant, on fait le chemin de l’école - je le faisais 4 fois par jour (2 allers retour). Sur cinq ans ça fait quelque 4 000 passages sur telle série de rues, que j’ai empruntée en d’autres occasions. La rue voisine de la nationale qui conduit chez mes parents, je l’ai empruntée au bas mot 20 000 fois, c’est difficilement calculable. Il y a toujours un temps dans nos déplacements, un temps qui s’inscrit dans les lieux.

Le bus. Le 147. Il va de Montfermeil à Pantin et passe par les Pavillons sous Bois. Lui aussi je l’ai pris des milliers de fois et son chemin m’était si connu que je ne le voyais pas. J’ai appris à le revoir plus récemment, en partie grâce au bus, à ces trajets.

Dans le 147 plus d’une fois j’ai rencontré des fous. Pas seulement dans ce bus, d’ailleurs, mais souvent sur mes trajets j’ai assisté à des scènes étranges, souvent inquiétantes, mais riches et peut-être lourdes de signification, d’un fou discourant seul ou prenant la foule à témoin, dans un chaos de paroles issues d’on ne sait où, j’ai noté quelquefois ces paroles, elles sont comme le rêve.