RAL,M. Les éditions de l’escarboucle publient une dizaine d’ouvrages de Bocampe ? Qui est Bocampe ?

Thierry CARBONELL. Bocampe est un auteur qui aime risquer ses pensées, son ressenti du monde, à travers son authenticité sur des terres peu fréquentées.

À lire les sous-titres des livres de Bocampe, on a une idée de l’étendue de son savoir et de sa pensée : récit philosophique (Éclipse), discours littéraire (Monologue d’un citoyen du XXIe siècle), récit initiatique (Caravane humaine), prose mystique (Trait de plume), parodie sociale (Lettre à un ami analphabète), étude, témoignage et recherche (L’alcool entre illusion et réalité), considération sur le salut d’un petit homme (La planète bleue), Vadrouille, Pensées et lendemains, Des mots et des hommes... Qu’est-ce que la libre-pensée selon Bocampe ?

- Vivre en accord avec son projet de vie dans le monde même des pensées. Les pensées vivantes remplacent alors les forces de l’intellect qui appauvrissent les hommes. L’on devient libre dès lors que nous devenons responsable. L’on a plus peur de rien.

La pensée de Bocampe semble tarauder la terre plutôt que de chercher à en faire le tour. En quoi Quentin la brousaille n’est-il pourtant pas un roman « local », régionalisé ?

- Quentin la Broussaille est un pur produit du midi de la France ! Une partie du sud qui chante et qui a su inspirer tant d’artistes. L’auteur rend hommage au noble travail de la pierre sèche, et à ce rêve de faire revenir la vie (des anges dans les vallées) par les soins que les hommes apporteront aux terres abandonnées. Toute culture qui s’universalise perd sa singularité et se meurt disait F. Baudrillard. Par cette même occasion, je pense qu’il rend avant tout hommage au milieu d’où il vient.

L’actualité ne fait pas que passer chez Bocampe. Est-ce que le monde, au lieu de progresser, ne tourne pas en rond, nous ramenant sans cesse au même point sans que nous ayons la certitude qu’il s’agisse du point de départ ? Bocampe veut-il nous égarer dans sa propre imagination ? En quoi consiste cette ivresse ?

- Il remet sans cesse une question de fond sur l’homme en devenir tout au long de sa quête de l’âme l’humaine. Devenir qui ? Devenir quoi ? Tout est toujours remis en cause à ce sujet dans sa quête, c’est ce qui fait la particularité de cet auteur. L’absolu et l’acquis ne sont jamais à l’ordre du jour.

Dans Des mots et des hommes, Bocampe témoigne par la pratique que le récit ne tient souvent qu’à un fil. Exemple : « Herbe - couleur et mémoire du côté de la vie qui tapissent la surface de la Terre. » Ailleurs, le discours, à la place du monologue, cherche à ne pas ennuyer. On se divertit beaucoup à le lire. Et souvent à nos dépens. Bocampe est-il un moraliste ?

- L’éthique est un incontournable dans la démarche de sa quête. Cependant qui la conduit ? dit-il souvent pour nous rappeler à l’ordre. Je crois qu’une fois de plus, il se risque, il se livre, sans gêne.

Qu’est-ce qui vous pousse à publier un écrivain aussi intarissable que Bocampe ? 

- Son lien avec le verbe... son désintérêt pour la gloriole, sa recherche... la chance de l’avoir croisé sur ma route.

Avez-vous d’autres auteurs en perspective ?

- Oui, deux, ils sont déjà présentés sur le site escarboucle.ch

Sauf à dépasser un certain chiffre d’affaires, l’édition n’est pas une entreprise viable. Que donnez-vous vous-même ? Votre temps ? Votre argent ?

- Oui, effectivement, si j’avais de l’argent je serai mécène. J’ajouterai que c’est ma première raison de vivre.

Il est rare qu’un éditeur s’attache à une œuvre. C’est pourtant ce que vous faites. Pourquoi et comment ?

- Parce que l’œuvre en est à ses tous débuts, et qu’elle est criante de vie et d’amour.

Est-ce le côté « Ramuz » qui vous attire chez Bocampe. Vous ne dites rien de votre « ligne éditoriale ». 

- Effectivement, la similitude est frappante. Actuellement notre ligne éditoriale est éclectique... elle est encore en germe.

« Bocampe nous faisait remarquer que si Victor Hugo avait été Suisse, jamais le monde ne l’aurait connu. A nous de lui prouver le contraire avec l’honneur de participer et d’appartenir à la culture romande. » Pensez-vous que si Faulkner avait été romand, il n’aurait pu exercer son influence sur la nature même du roman de quelque endroit de ce monde qu’on se place ? Rousseau était suisse, non ? 

- Ni l’un ni l’autre n’est Victor Hugo. L’idée de base de Bocampe était de rappeler que le cartel de la littérature Française est un colosse d’argile.

Les livres de Bocampe sont-ils connus en France ? Comment les diffuser dans ce pays où la distribution est l’affaire de quelques potentats ?

- Pour l’instant pas. En Suisse pareil. Grâce à des revues comme la vôtre. Et d’ailleurs à ce sujet, tout aide est la bienvenue, car j’ai si peu de compétences à ce sujet.

Peut-on espérer la collaboration de Bocampe à notre revue ? 

- Tout à fait.

Avez-vous l’impression, voir la conviction, d’avoir déniché un écrivain important dans la personne de Bocampe ? 

- Nul doute... d’autant plus qu’il débute.

Paru aux Éditions de l’escarboucle

Les Éditions de l’escarboucle publient une dizaine d’ouvrages de Bocampe. Lecture édifiante. Nous aurons l’occasion de revenir à l’oeuvre de cet auteur prolixe qui touche à la philosophie, à la morale, au récit, au conte, à la poésie...  Lire un extrait de "Quentin la Brousaille" [...]

Les Éditions de l’escarboucle publient aussi Peter O’Roy et Émilie Winkler.