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 Article publié le 17 septembre 2017.

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Au commencement du XXe siècle, relativisme, abstraction, dodécaphonie, linguistique saussurienne ouvrent un espace commun, le relativisme. Saussure n’est pas seulement le linguiste qui applique à la linguistique les principes de Durkheim, il est également celui qui pense le langage dans ce qu’il a d’arbitraire - d’accidentel et donc, de toujours singulier, toujours autre — d’où cette pensée qui permet d’éliminer une question : celle du "pourquoi". C’est-à-dire autrement formulée, la question de l’origine.

L’abstraction et le sérialisme emboîtent le pas à cette démarche. D’aucuns dénoncent les théories qui les ont suscitées, reste que ces deux formes nouvelles, qui se définissent par l’absence de références aux conventions antérieures, induisent la relativité dans les systèmes artistiques. Schönberg a beau clamer que la musique sérielle assurera la suprématie de la musique allemande pour 1 000 ans, la contrainte induit surtout l’obligation de trouver de nouveaux moyens d’expression. Webern donnera à la technique dodécaphoniue son complet accomplissement en exacerbant la dimension relative et autoréférencielle de l’oeuvre.

Car une oeuvre de Webern est un jeu de miroirs auditifs. Si John Cage y a vu une dispersion du fait musical traditionnel, l’école postsérielle a principalement retenu ce souci de cohérence maximale qui fait que certaines oeuvres comme le concerto opus 27 ne tiennent que sur une seule figure de trois note, répétée en quatre tronçons à l’intérieur de la série.

Webern a consacré son oeuvre à l’ouverture de cet espace relatif. On fantasmera longtemps sur cette oeuvre balbutiée, juste avant sa mort, qui ne tient que sur une série de successions chromatiques. Et jusque dans le sérialisme intégral, l’idée dominante est que l’oeuvre élabore un univers relatif - dont les moyens n’appartiennent qu’à elle.

Chez Saussure, la question relativiste prend une ampleur terrible car elle est aussi forte que le désir de système, qui réalise des prodiges chez lui. Il réinvente les points de vue qu’on peut avoir sur la langue, il tremble continuellement, jamais un concept ne parvient à s’imposer tout à fait. Tout est toujours susceptible de basculer.

Ces considérations impliquent bien sûr la poésie, qui a suivi des voies parallèles. J’ai cité Proust, il faudrait sans douter commencer par Mallarmé, pour le sonnet en "yx" et "ore". Il faudrait également citer le Coup de dés, invention presque terrifiante de la typographie. Ces formes qui s’inventent, étrangères aux codes que nous avons assimilées, se gagnent, avec la lenteur parfois d’un langage qu’on apprend.

Elles dépendent autant du lecteur qui donnera au poème son sens que de l’auteur qui tente au mieux de développer ce langage où il a impliqué sa chair et ses os mais qui ne lui ressemble déjà plus et qui est un mystère pour lui autant que l’âme pour le croyant.

Un ordre dans lequel même la simplicité est à réinventer. Car Webern dit une chose étonnante, dans ses conférences de 1938. Ce qui est important, dit-il, c’est la compréhension. Le traducteur précise qu’il faudrait dire "compréhensibilité", un terme pesant ; je lui sais gré d’avoir choisi "compréhension" pour « Verstandlichkeit ».

Car la compréhension est vraiment l’essentiel ! Dans un ordre où le sujet et ce qu’il découvre (l’oeuvre, qui n’est pas exactement objet, ou alors "quantique") ne se dissocient jamais entièrement, le musicien a pris soin de plier chaque élément de sa composition à son écoute : non seulement l’architecture des séries de hauteurs, mais les tissus de timbre que cerclent les silences constants, et la formulation rythmique qui introduit un temps nouveau, inouï, dans l’univers de la musique.

Sans parler de la voix, qui domine toute son oeuvre musicale.

 

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