" Il n’est pas tragique, pour moi de ne pas pouvoir expliquer ( ou comprendre ) le monde. D’autant que mon pouvoir poétique ( ou logique ) doit m’ôter tout sentiment d’infériorité à son égard. Puisqu’il est en mon pouvoir - métalogiquement - de le refaire. Ce qui est seulement tragique, c’est de constater que l’homme se rend malheureux à ce propos " . Francis Ponge
La spéculation sur la condition humaine varie selon les époques.
Le traitement philosophique de l’absurde a connu ses lettres de noblesse avec notamment l’affrontement sartro-camusien.
Dans les années 50, tandis que l’existentialiste pose comme définition de l’absurde, simple donnée, la présence irréfutable de l’homme dans un monde qu’il n’a pas choisi, la contingence universelle de l’être qui est, mais qui n’est pas le fondement de son être, l’artiste lui assigne une coloration humaniste en soulignant la condition insupportable de l’homme dont l’appel déraisonnable dans un monde indifférent est la preuve de l’absurde, un l’absurde scandaleux. On pourrait dire en d’autres termes que la tragédie camusienne s’oppose à la lucidité aride sartrienne.
Au quotidien, le recouvrement social, économique, politique et religieux ne cesse d’opérer sur l’individu et le groupe, masquant la réalité. La nudité de l’homme. La présence épaisse du monde. Chez les créateurs, généralement, le concept d’absurdité n’est pas problématique. Contrairement à la plupart des individus qui ont des certitudes chevillées au corps, l’artiste avance en tâtonnant, mû par une énergie suffisante qui le conduit à inventer des formes, à créer un univers. Ainsi, les événements et leur suite, les secousses du monde contiennent souvent un ferment de tragédie qui les transforme en spectacle permanent.
Oui, le chaos du monde est un spectacle permanent.
Mais cela ne signifie pas que l’artiste soit indifférent à l’évolution des choses. Simplement, sa lucidité et sa conscience lui ont appris à se concentrer sur son travail, sur son oeuvre.
Qui d’ailleurs, peut-être, participera d’une évolution globale du monde. De sa mutation.