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 Article publié le 20 octobre 2019.

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L’agrume de la tôle se meut sur une grande avenue à un rythme lent, paisible, jusqu’au rez-de-chaussée d’un bâtiment blanc loué provisoirement, le temps d’un scrutin, sans doute national. La conduite est souple, précise, la conduite est professionnelle, tandis que le regard du conducteur pénètre horizontalement à l’intérieur du bureau jusqu’à cette créature, cette jolie créature statique derrière un secrétaire, une créature dont le regard suit ou emprunte la même direction, dans une interaction, donc, inéluctable. Les yeux sombres de l’inconnu, de l’étranger vont à la rencontre des yeux clairs de la dame tirée à quatre épingles, dont le sourire malgré lui s’étire ...
L’automobile vide, maintenant, devant le bâtiment, la stature de l’étranger à l’intérieur, à quelques pas, maintenant, de la jolie dame statique qui attend ... Quelques mots, des gestes économes ... L’interaction suivante, ainsi, est prévue ...
Cybil Shepherd et Robert de Niro sont-ils vraiment en train de jouer ?

Entre les cubes et les rectangles, au sein des limousines, un visage de mâle buriné glisse comme du métal, oui, entre les tours de verre et l’omniprésence de l’asphalte, dans la géométrie implacable et nette du plan en damier, de la frénésie humaine et de ses nombreux mouvements, de ses intentions parfois douteuses, une sculpture faciale unique traverse l’espace , de ses yeux clairs, délavés, qui absorbent et réfractent l’azur, contenant des spéculations masquées, savamment, un affect sans date, mystérieusement, ainsi que bien des intentions souterraines dont l’enchâssement semble sans fin, cependant que sa haute stature de noir enveloppée s’engouffre dans les couloirs obscurs, dans le dédale du temps et de l’espace, pénétrant avec discrétion dans des lieux étrangement fréquentés pour parvenir au bon destinataire, à la bonne personne. Tout en évitant le danger, la vitesse d’une balle, là, qui lui était destinée et que son instinct a habilement évité, de par un geste instinctif précis, unique, et qui appartient déjà au passé.
Taillé à la serpe ou à la hache, le visage de Christopher Walken, devant la caméra d’Abel Ferrera, ne fait que prendre du relief, un relief qui devient permanent, comme omniscient.

Dans un temps beaucoup plus lointain, le burin officie, aussi, sur la tête du jeune empereur qui voit son trône menacé. Le jeune Commode est toujours habillé de manière cuirassée et sa déambulation, qu’il s’agisse des terrains de guerre, des espaces domestiques ou de divertissement, suscite la crainte et la méfiance, ce qui durcit encore la compacité de son regard et la fermeture de ses lèvres, les courbes de son visage. Ses nombreuses allées et venues, ses intentions et ses paroles fortement inattendues, sa propension au confort et à ses excès, tout cela est homogène, profondément homogène et inquiétant. Jusqu’à la descente dans l’arène pour défier le nommé, l’élu, celui qui doit succéder à Marc-Aurèle lui-même...
Le visage et l’attitude de Joachim Phénix sont sans cesse tranchants dans le plan, incarnant à merveille le mal qui semble s’inscrire, déjà, sur sa peau. Son aspect cicatriciel se répète d’un plan l’autre, d’une séquence l’autre, sous la maîtrise de Ridley Scott.

Le vecteur, le média à l’intérieur de l’automobile annonce des résultats qui sont égrenés, et sur lesquelles sont été jouées des sommes substantielles, oui, substantielles. Mais le pari n’est pas le bon, cette fois-ci, et l’argent immatériel se dissout, déjà, tandis que l’ire du lieutenant dont la voix de fauve blessé résonne toujours dans l’habitacle - des injures sans destinataire - , se déploie, augmente d’un cran avec l’extraction de l’arme qui dégomme la source, qui éteint la voix, le gyrophare étant posé dans le même mouvement, avant de s’extraire de la file, de la longue file d’automobiles le plus vite possible afin de respirer. Oui, respirer ...
Dans la nuit, la cité, la ville et son asphalte détrempés sont largement éclairés, dans la nuit le représentant gradé conduit sur une large avenue, au hasard, spéculant sur de nombreuses problématiques, parmi lesquelles une enquête en cours, hors normes, qu’il doit mener à son terme, quel qu’en soit le prix. Devant lui, deux jeunes femmes ou demoiselles dans une berline à l’arrêt, une berline dont l’un des feux arrière est obsolète. L’extinction du moteur, l’extraction de sa carcasse, l’approche, le plexiglas baissé - ne faut-il pas se distraire un peu ? - les présentations ... et l’intuition juste du policier qui appréhende les deux jeunes filles dans l’impossibilité de présenter les papiers du véhicule ainsi que le permis de conduire, appartenant à l’un des papas ... L’abus, oui, l’abus et sa polysémie. Un gentil pouvoir ... De gentilles menaces, un ton élevé contenant un registre plus que familier ... qui va s’accentuant, face au mime bicéphale, à la simulation de la conductrice qui dessine à merveille l’architecture d’une excitation bucco-génitale, alors que la passagère montre les courbes de sa croupe ... la conductrice tient le volant et dessine, dessine encore tout en fermant les yeux ... provoquant la décharge du lieutenant et son logos ...
Harvey Keitel est définitivement soulagé dans cette nuit d’asphalte, laissant entrer un silence épais entre elles et lui, auquel il peut goûter …
Abel Ferrara n’aurait-il pas engagé deux véritables catins ?

Des jardins, maintenant, une végétation taillée au millimètre ou alors librement exubérante, des allées comme à perte de vue, des chemins menant tous à la demeure principale, à cette grande pour ne pas dire immense façade d’architecture classique dont les larges ouvertures sont irriguées de lumière et à l’intérieur desquelles une surface étendue, étirée se divise en pièces comme innombrables, des pièces domestiques dévoilant du goût et un aspect constamment cossu, une habitation comme à l’écart du monde. Dans le silence végétal, dans la clarté du jour apparaît une silhouette hautement spéculative, un visage clair comme le jour et sa lumière, ainsi que des yeux d’une intensité azuréenne, tandis que sa démarche gracile se confond avec les végétaux et leurs mouvements suggérés par le vent. Derrière son front se cachent ou dissimulent maintes spéculations, donc, à peine exprimées par le mouvement indicible des lèvres, sa nature économe maintenant en permanence ou presque son trait de contention. L’hermétisme succède à une joie sans doute pure, oui, très pure, à l’unisson des changements de tons de l’espace, notamment des cieux sur lesquels glissent le temps et le climat, oui, l’inquiétude succède immédiatement à ce qui est de l’ordre de l’ataraxie, un bonheur qui n’a pas de prix ou qui est inestimable, les architectures du couvent, du château ou d’une habitation privée se fondant en un même plan qui rassemble tous les temps, toutes les hypothèses, tous les fantasmes.
Son parfum inonde sa chambre, ses espaces privés, tandis que son absence retire de l’épaisseur au silence.
Sous l’œil de Stephen Frears, Michelle Pfeiffer ou la Présidente est sans doute libre comme un animal, évanescente comme l’air et ses particules, souple comme un félin … et entière, oui, totale. Loin de l’hésitation, encore plus loin du morcellement.
Et sans doute fatale, y compris pour elle-même …

 

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