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I - ante meridiem
Le comte - chapitre VIII

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 Article publié le 29 mai 2022.

oOo

Pluie. Pierres nues. Curieux : les gouttes ne pleuvaient pas sur le carreau. Le vent. Sans doute. L’allée encore praticable. Carrossable. Les ormes penchaient. Le nid des merles se voyaient d’ici. Il frotta le carreau à cause de la buée. Derrière lui dans fauteuil vieux coussins de cuir cramoisi elle lisait le perroquet empaillé dans le miroir. Note. Ses doigts grattaient les formes amoureuses du radiateur. Il gémit.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? demanda-t-elle.

Genre roman. Elle lisait des idées à avoir et d’autres à rejeter. Il dit c’est l’extraterrestre trois jambes quatre bras il demande si c’est sa maison

— On devrait l’enfermer ajoutant une bonne fois

— On n’enferme pas les

Interrompu par le fait que l’extraterrestre empruntait l’allée dans le sens du château et non point de la grille où giclait une toiture sur un tas de. Nous n’aimons pas être dérangés. C’est lui qui est dérangé on devrait l’en

— L’en quoi ? rit-il secoué oh mes dents

— Qu’est-ce que tu as aux dents ? Encore des

Frais. Nous avons beaucoup d’à-côtés ces temps-ci. Soigner le sang l’attente penser à la mort revoir quelques-uns des. Il vient !

— Il est sur la terrasse !

Et elle projeta cette image dans le miroir au perroquet : l’extraterrestre en quête de sa maison sous son manteau à grand col de fourrure et les manches qui tombaient sans ses bras. Il s’abritait sous le balcon d’une des chambres du premier étage.

— Je descends ! dit-il

Deux étages pour arriver au rez-de-chaussée. Il heurta un bahut qui n’était pas là la veille et s’approcha de la baie vitrée. « Je viens pour le disjoncteur, dit l’extraterrestre.

— Il a sauté et j’ai beau rien à faire ne restez pas sous la pluie

— Je vais d’abord fumer une cigarette si vous le permettez. »

Fabrice ferma les yeux quand du briquet jaillit la flamme. L’extraterrestre fit grésiller le tabac puis sa langue sortit pour lécher la lèvre supérieure : tu as bien noté tout ça ?

Pour ton roman, voulait-elle dire, mais l’extraterrestre les regarda (il l’avait vue descendre le vaste escalier du hall malgré le manque de lumière) et il ne se demanda pas de quoi elle parlait à moins qu’il ne fût question que du disjoncteur et de l’impossibilité de le remettre en route même en gardant le bouton appuyé et elle montra comment Fabrice s’y était pris et ça n’avait pas marché.

— Lazare n’est pas là ? demanda-t-il.

Elle fit non. Fabrice entrouvrit la porte un peu plus. Le vent entrait. L’extraterrestre fit encore grésiller la. Il n’était pas pressé et vous savez pourquoi ?

Je suppose qu’il n’y avait rien à faire. C’était un vieux modèle de disjoncteur, pas même différentiel et je vais vous dire : il n’y avait pas de disjoncteur et les plombs n’étaient plus des plombs depuis longtemps le comte (son père) décortiquait un vieux câble électrique et ça faisait l’affaire.

— J’entre après, dit l’extraterrestre (parlant de la cigarette qui) happait la fumée aussitôt sortie de ce qui lui servait de bouche.

— Vous serez mieux à l’intérieur pour parler, dit-elle.

Les pages de son livre s’effeuillaient dans le vent s’immisçant entre la porte et le montant que Fabrice semblait soutenir comme si tout l’édifice (un peu semblable à un vaisseau tel qu’on l’imagine venu des profondeurs intarissables de l’Univers mais il n’en n’était pas question précisa-t-elle dans ces pages que le vent tournait sans qu’elle ne s’en inquiète) menaçait de s’arracher enfin à la gravité terrestre qui le retenait depuis la nuit des temps familiaux. Il écrasa le mégot dans une flaque et d’un doigt poussa la porte qui céda Fabrice s’écartant pour l’inviter cérémonieusement à le suivre vers l’escalier descendant (encore) à la cave où le disjoncteur émettait une petite fumée blanche et entêtante. « Je vous suis. » On entendait un grésillement assez semblable à celui que produit la braise du tabac quand on tire dessus l’air chargé à bloc d’oxygène s’infiltrant dans ce brasier comme l’avait observé Anaïs qui remontait mollets solides se dit-il et la première marche lui parut reposer sur l’eau. Expérience de la barque à quai. Fabrice descendait à reculons pour éclairer les marches sous les pieds fourchus de l’extraterrestre qui n’y allait pas franchement et se tenait à une rampe fragilement scellée dans le salpêtre d’un mur invisible. On entendait la pluie ruisseler sur les vasistas. Une toile d’araignée en guirlande qu’il déchira, sentant l’araignée sur une de ses écailles, elle cherchait un interstice pour le pénétrer de sa colère et le mettre alors dans un état tel qu’il ne maîtriserait plus son propre comportement.

— Je sais pas pourquoi on installe les disjoncteurs dans la cave, dit-il.

— Personne ne vous l’a donc expliqué… ?

— Ils m’expliquent rien.

— Faut demander.

Rien que cette idée, de demander quelque chose à quelqu’un, ça le mettait en situation d’une telle fragilité mentale qu’il ne demandait jamais rien à personne. Mais il n’en dit rien : Fabrice éclairait le coupable dont le bouton rouge saillait de sa carcasse noire. Il appuya. En vain.

— Vous pensez bien que j’ai essayé, mais rien à faire ! Il s’obstine !

— Faut voir les plombs…

— C’est du vieux… Mon père se servait de ça…

Il exhiba le câble effiloché. Avec ça il frappait. Le petit cul de Lazare. Il frappait la petite bite. Pas au point de le faire crier. Mais il serrait les dents. « Il avait la tête dure, Lazare ! »

— On peut essayer avec ça, reproposa Fabrice.

— Des fois c’est pas ça et c’est pire, professa l’extraterrestre, entendant la voix de la comt. d’Anaïs qui du haut de l’escalier demandait si on y arriverait ou s’il ne valait pas mieux courir aux ateliers municipaux pour en ramener des bougies /l’extraterrestre rit :

— Les bougies (qu’on appelle chandelles dans ce cas) c’est à l’église que…

Une étincelle jaillit dans les doigts de Fabrice qui jura, fouettant le disjoncteur avec le câble tandis qu’elle s’était tue comme si Lazare remontait l’escalier en se tenant la bite à deux mains, la culotte à mi-cuisse et ayant perdu un de ses souliers.

— Avec ce qui tombe… dit-il.

Ils remontèrent. L’obscurité avait augmenté, sans doute à cause des nuages « parce que vous savez, la nuit, les nuages… » et ils avancèrent entre les meubles, les reconnaissant mais ne s’attardant pas à les toucher et lui, l’extraterrestre voyait la pluie redoubler de force, frappant le dallage sonore de la terrasse, gouttes rebondissantes jusqu’à hauteur d’homme, plus loin des dahlias périssaient. Ils étaient de nouveau près de la baie vitrée et le vent secouait le battant que Fabrice avait mal refermé heureusement aucun carreau n’avait

— Vous êtes sûre de pas en avoir, des bougies… ?

— Je n’ai qu’une pile, constata le comte.

— D’habitude, dit la comtesse, il y arrive… sans avoir besoin de… On vous a dérangé pour rien…

— J’ai la lumière à mon vélo, mais avec cette pluie…

— Vous avez un vélo ? s’étonna Fabrice.

On referma. Il n’était pas prudent de s’exposer au mauvais temps. Le ciel commençait à se zébrer. C’était encore loin. Mais ça venait. Et ça arriverait. L’extraterrestre se demanda si son vélo…

— Rien, dit Fabrice qui éteignit la lampe. On n’a rien qui puisse servir de…

— Mettons-nous près de la télé…

— Elle ne nous tiendra pas chaud !

— Je suis venu pour rien…

— Dites plutôt qu’on vous a appelé pour rien.

— Sans électricité, la télé…

— J’y avais pas pensé ! L’habitude de…

— Chez Barman, ils ont le groupe… et l’essence qui va avec…

— Vous coucherez ici… La chambre de Lazare…

L’extraterrestre frissonna. Cette perspective ne le réjouissait pas. Sans lumière en plus. Il ne dormirait pas. Anaïs était repartie dans son étage, qui est aussi celui de la chambre de Lazare, celle où son enfance. Il y couche quand il vient. Toujours de loin. On ne sait pas ce qu’il.

— En tout cas, dit-il, il y a du jus. Mais peut-être que tout à l’heure il n’y en aura plus. Alors on aurait travaillé pour rien.

— De toute façon, on n’a pas travaillé. Votre briquet… ?

L’extraterrestre venait justement d’en actionner la molette pour allumer une autre cigarette et son visage s’était encore éclairé, triste figure de celui qui a perdu de vue toute perspective de retour chez soi, si jamais on en a eu un, ce dont doutait Fabrice, mais il n’était pas question d’en parler, on ne sait jamais où on va quand on ignore de quoi il s’agit.

— C’est que, j’ai pas amené d’essence. Ça fera pas long feu !

Il rit. Long. Court. Fabrice cherchait déjà quelque chose à brûler, de durablement inflammable, pas question de brûler ces. Il tâtonnait. Une lampe à huile. On avait l’huile. Une assiette. Un bout de tissu tirebouchonné. « Ça vaudra mieux que la dynamo de votre bécane…

— J’ai bien peur que la nuit… »

Fabrice connaissait le chemin de la cuisine. Nous retournons en enfance. Il ouvrit un placard (ça ne pouvait être qu’un placard) tirebouchonna mesura le niveau au pif actionna la molette et la lumière. « Viens voir, Anaïs !

— Oui, venez voir ! »

Descendant l’escalier elle dit « heureusement que vous aviez ce briq.

— Heureusement qu’il fume

— Comme un p

— Monsieur ne fume pas : ce qui explique

— Vous fumez pas ? À votre âge…

— Ne vous gênez pas, vous

— J’y vois assez pour cuisiner

— On mangera froid

— Surtout n’ouvre pas le frigo

— J’ouvre une boîte. Ça vous dérange pas au moins… ?

Elle répartit les sardines dans trois assiettes. Il mangea. Il n’avait rien ingurgité depuis ce matin. Il avala la première sardine de la journée, à presque minuit. Il n’avait jamais mangé de sardines passé l’heure de dîner. Sa cigarette se consumait lentement dans un cendrier. Il la reprenait de temps en temps et la fumée n’incommodait pas la comtesse. Fabrice se laissait envahir par les souvenirs. Il n’était pas passé à l’acte. Il avait éprouvé ce désir. Lazare remontait après que son grand-père l’eût. La culotte aux chevilles. Petite bite raide comme. Quoi d’étonnant que Ben Balada croisât leur chemin. Il habitait à la limite du village. C’était un village à l’époque. Il venait de loin. Il parlait facilement. Répondait aux questions. Ne donnait aucun signe de choses cachées. N’entretenait aucune relation amoureuse. Ni amicale d’ailleurs. Chacun se souvenait qu’il n’avait jamais cherché l’amitié ni l’amour. Et pourtant, Lazare était tombé dans. Ou il n’était pas tombé. Au procès, on n’avait pas réussi à dénicher un piège à. Rien qui ressemblât à. Sardines huileuses à souhait. Il partagea sa tartine et la beurra. Le vin colorait les joues obscures de l’extraterrestre. Anaïs ne put s’empêcher de dire :

— À quoi penses-tu donc, mon ami… ?

L’extraterrestre pivota sur son tabouret. Attendit la réponse. Mais les mâchoires du comte s’activaient et la bouche demeurait close entre les bouchées et les gorgées. Les yeux du comte pétillaient, mais il était difficile de pénétrer le regard, même avec le dispositif d’analyse mentale qui grésillait en même temps que la cigarette chaque fois qu’il aspirait dans le filtre presque brûlant maintenant. La lampe aussi interdisait toute interprétation et les visages et les mains n’apparaissaient que par intermittence, ce qui rendait le travail des composants aussi complexe que tout ce qui venait d’aussi loin que l’inconnu. Lui aussi était témoin. Lazare entrant dans le jardin où Ben Balada sommeillait sous les feuillages, tout le corps reposant sur des coussins aussi moelleux, sans doute, que la chair de l’enfant. Mais la clôture de planches couvertes de lierre, bien qu’à claire-voie, jamais n’avait trahi le silence. Il avait fallu un procès pour. La flamme vacilla. Fabrice laissa couler un filet d’huile et donna de la mèche en tirebouchonnant, le visage penché sur cet appareillage sans fluide venu des profondeurs de la matière, tout en surface que c’était, et la lumière n’en était pas moins agréable. Pas une trace d’inquiétude sur leurs deux visages maintenant vieillis et finissant de se donner à voir. Il accepta la dernière sardine et elle ouvrit un bocal de pâté qui embauma aussitôt tout l’espace disponible. Il était venu une fois pour ranger du bois contre le mur de l’atelier où le comte passait le plus clair de son temps tandis qu’elle écrivait au deuxième, où elle écrit toujours sans qu’on sache de quoi elle s’inspire pour cacher ce qu’elle estime constituer son seul « avantage sur le Monde ». Elle a dit ça ce jour-là. Le vieux était mort (je crois). On ne l’entendait plus rugir sous les carreaux brisés de la serre. Il en sortait avec la tignasse de Lazare dans une main et la badine dans l’autre. Petite bite raide agitée par ces secousses impossibles à contrer. Cette habitude de s’en prendre au cul nu de l’enfant. Vieille méthode qui a fait ses preuves. Ça giclait bien aussi sur les mollets, mais la préférence familiale allait aux fesses, sans égard pour la petite bite qui se raidissait sans que ça n’inspire, du moins à voix haute, aucune interprétation, ou alors elle en écrivait les spectacles. Pâté bon graisse de canard un petit friton niché au cœur et la joie. On pouvait jouer aux cartes ou aux dés, en attendant d’aller se coucher, c’est-à-dire d’en avoir envie ou d’en éprouver le besoin. Chambres mitoyennes « si je me souviens bien » avec porte communication elle l’avait fait percer après une nuit comme celle-ci : Lazare avait disparu dans la nuit et la pluie s’était mise à tomber à verse et l’orage n’a pas mis longtemps à zébrer la nuit. « Si je m’en souviens… ? » Le bois à peine rangé il voyait le comte raboter une planche et les copeaux sauter en l’air comme des papillons et elle est sortie ébouriffée ayant perdu ses rubans et la robe fendu de haut en bas l’enfant avait laissé un mot avant de fuguer. Et où l’a-t-on retrouvé si c’était pas chez ce vieux Ben Balada (vieux pas d’âge mais on commençait à trouver le temps long) quelqu’un passant en vitesse dans la rue l’avait aperçu derrière une fenêtre alors vous pensez si on a eu vite fait de mettre tout le monde au courant avant de recourir aux roussins qu’à cette époque c’étaient encore d’anciens collabos. Petite bite bandait dans la culotte c’était pas difficile à voir et Ben Balada expliqua qu’il n’avait pas le téléphone et que la pluie et l’orage ne semblaient pas vouloir la pluie vouloir mais l’orage a-t-on jamais entendu parler d’un orage qui

— Vous allez vous brûler les doigts si

Il eut tout juste le temps de balancer le mégot dans le cendrier et encore heureux que la cendre ne s’est pas éparpillée comme il l’avait craint le temps que le mégot atteigne les autres

— Vous aviez l’air ailleurs…

— Je pensais…

— C’est la pluie, le vent, l’automne…

— C’est surtout le manque d’électricité.

Fabrice donna encore de la mèche, de la main gauche et de la droite il suçotait le contenu de son verre venu de loin lui aussi comme Ben Balada le Malheur entre par la porte et ressort par le cœur il considérait l’extraterrestre d’un œil morne maintenant et la lumière faiblissait malgré ses efforts :

— Demain il fera jour dit-il et l’extraterrestre frissonna humant la graisse qui surmontait son pouce levé la langue s’apprêtant à sortir de sa cache pour mettre fin à cette conversation qui n’avait plus de sens

— C’est toujours ce qu’on dit quand on ne trouve pas le sommeil, murmura la comtesse sans doute sujette à l’insomnie

— Il faut changer toute cette vieillerie qui date d’un temps que même votre papa n’a pas connu

— Ici, dit Fabrice, rien ne changera tant que je serai en vie

— Lazare aimera peut-être changer

— Comment veux-tu qu’il change quoi que ce soit si on ne le voit jamais

— Je sais pas ! Je sais pas !

Tête dans les mains elle effleurait la lumière dansante de mon regard

L’extraterrestre se rapetassa. Le tabouret lui meurtrissait les fesses. Il se contorsionnait et ses genoux heurtaient le dessous de la table. Fabrice lui proposa de transporter la lampe à huile improvisée afin qu’il puisse se vider « on ne va pas au lit avant d’avoir fait sa prière » prière au sens de

— Ça ne se voit pas, dit l’extraterrestre, mais je rougis devant

— Moi aussi je rougis mais c’est le vin qui me

— Allons je fermerai les yeux ne vous en faites pas

Elle, en pensée : avec quoi on fabrique ces romans qu’on nous vend au prix du temps perdu à les lire ô mon Dieu pourquoi et elle jeta un œil sur le robinet qui lançait de verts reflets en direction de la table où

— On fait ça vite ! Entre hommes…

Elle se retrouva seule et sans lumière. Cette fois, c’était le noir complet. La lumière diminua et elle voyait vaguement leurs ombres diminuer aussi dans un encadrement de porte qu’elle n’identifia pas pourtant elle vivait dans ce château depuis des /inutile de chercher à percevoir /inutile ces bruits ces sensations /inutiles les mots qui viennent non pas de l’esprit mais du fond de la mémoire /elle trouva une miette et la posa délicatement sur sa langue tirée à l’extrême « personne pour me voir » écrivant le poème suivant /que personne (pas même lui) ne lira /mais c’était autre chose qu’une miette et bien que cela ne fût animé d’aucun mouvement ni cri imperceptible pour une oreille humaine : elle se sentit plus idiote que si elle n’avait rien dit /du fond de l’obscurité il dit

— Je ne t’entends pas !

— C’est pas que je sois bruyant quand je (rire de l’extraterrestre qui avait trop bu reconnut-elle sans le dire)

— Comme des gosses… commença-t-elle mais il était inutile d’en dire quelque chose que de toute façon il ne lirait pas une fois que ce serait écrit dans la nuit avant de

La langue ressortit avec sa chose sur sa pointe. L’index ou l’auriculaire (comment savoir ?) délicatement retira cette impureté inconnue et la déposa par frottement mesuré sur la nappe dont le relief était celui d’une fleur brodée. L’orage se rapprochait. On entendait la pluie maintenant sur la toiture tôlée de l’atelier et le chien s’est mis à aboyer, sans doute entortillé dans sa longe. Puis se tut, comme si l’éclair qui venait d’illuminer l’intérieur de la cuisine et de ses perspectives vitrées l’avait foudroyé ou quelque chose comme ça. Puis l’obscurité se referma et elle attendit que tout ce qui venait de se produire se reproduisît. Sans Lazare et ce malheur qu’il n’avait pas connu avec Ben Balada. Il n’en avait été souillé uniquement par ce qu’ils avaient voulu soumettre aux lumières de la Justice qui /la nuit zébrée de nouveau : intense pour la chair : comme si je me réduisais à ce cerveau hérité de tout ce temps dont je ne sais rien passé ce que mon enfance a vécu :

— Vous avez fini ?

— Tu veux y aller ? Je tiendrais…

Elle n’entendit pas la suite. Sans doute « la chandelle ». Ce qui expliquait le rire enfantin de l’extraterrestre.

— Vous en mettez un temps ? Je suis dans le noir, moi…

À peine avait-elle prononcé cette sentence qu’il apparut dans l’intensité lumineuse de l’éclair. La lampe, faiblarde maintenant, le suivait. Elle devait lui apparaître terrifiée, ou quelque chose dans cet ordre, car il la regardait avec angoisse, elle connaissait cette angoisse, elle en connaissait l’origine, même si rien de tout ceci n’avait été évoqué ni même soupçonné durant le procès. Puis la lumière aveuglante de l’orage laissa la place aux lueurs incertaines de la lampe cette fois portée comme un calice par l’extraterrestre qui se plaignait de la chaleur à peine supportable de l’assiette qu’il s’empressa de poser sur la table, parmi les miettes agitées que Fabrice épousseta de la main :

— Des fourmis ! Elles ont profité de pour

— Je me disais aussi… fit Anaïs, satisfaite de savoir ce qui ajoutant : ma pauvre langue…

— Quittons les lieux ! Mañanaveremos

Elle montra le lit, elle avait ouvert les draps, lissé les draps, les volets étaient clos et bien « barrés », elle l’invita à déposer ses vêtements sur le dossier d’une chaise joliment anglaise qu’elle avait remontée du premier où elle, « mais ce serait trop long à vous expliquer » et elle sortit sans refermer la porte, il était dans le noir, porte ouverte en grand, la cheminée ronflait derrière un volet d’acier dont il connaissait les armoiries, « êtes-vous déjà venu

— mais oui souvenez-vous Lazare

— oui Lazare nous étions [raturé] en ce temps-là

— le même âge alors vous pensez si

— les enfants aiment jouer et nous autres ne comprenons pas toujours ce qui

— il y avait aussi ce géant

— vous voulez dire Jehan

Puis le sommeil ouvrit la porte du rêve et il rêva /rêva au retour /vit la maison qu’il avait quittée pour finalement se perdre en mission et le rêve fini il se réveillait et la nuit était aussi morte que s’il l’avait tuée et il se souvint de l’endroit où il avait abandonné son vélo jamais le comte n’avait évoqué le désir qui avait coûté cher à Ben Balada à Lazare et « pourquoi est-ce que tout ça me tourne par la tête que j’ai pas aussi solide que celle qui m’a donné le jour » puis le comte lui-même trouva le sommeil non sans se promettre de ne plus « déconner » avec cette histoire d’extraterrestre et avec l’extraterrestre lui-même.

 

 

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