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Stanley Kubrick ou l'oeil esthétique
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 Article publié le 14 septembre 2009.

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Stanley Kubrick ou l’oeil esthétique
Stéphane Pucheu
stanley_kubrick

Pendant plus de quatre décennies, du milieu des années 1950 à la fin des années 1990, l’un des esprits les plus audacieux du domaine de l’art a modifié notre regard de la réalité en créant des films uniques, je veux parler de Stanley Kubrick.
Evoquer ce grand metteur en scène en 2009, figure incontournable pour qui s’intéresse vraiment au septième art, c’est revenir sur la filmographie exceptionnelle d’un artiste majeur qui nous a quittés il y a maintenant dix ans.
Dix ans déjà que les plans et les personnages de Stanley Kubrick se sont arrêtés.
Dans le même temps, ils reprennent leurs mouvements, dès lors que l’on revient sur ses films ou chefs d’oeuvre, je me risque volontiers au synonyme ou à l’équation.
"Lolita"ou l’amour interdit..."Orange Mécanique" ou la décadence de la jeunesse occidentale..."Les Sentiers de la Gloire" ou la folie de la guerre..."2001, Odyssée de l’Espace"ou la question métaphysique de l’avenir..."Shining" ou la difficile dialectique entre la solitude et la création..."Barry Lyndon" ou la question délicate de l’ascension sociale et de sa chute..."Eyes Wide Shut"ou les fantasmes dans le couple...
Chaque fois, Stanley Kubrick s’engage avec une totale conviction dans des thématiques précises et différentes les unes des autres, sans la moindre complaisance, avec une rigueur, une inventivité et une esthétique hautement développées. Les dénominateurs communs de son oeuvre, ce sont sans doute les excès du XXe siècle et la solitude de l’homme contemporain. Sur le plan technique, le silence et la musique, plus ou moins présents, avaient toute leur importance, à tel point qu’ils faisaient partie de la narration.
A chacun de ses films, le public et les critiques ont retenu leur souffle : Stanley Kubrick, qui a compris très tôt qu’il fallait avoir le contrôle total sur la production et la réalisation pour être libre et aller le plus loin possible dans ses projets, prenait le temps de tourner, en artiste exigeant et perfectionniste.
Stanley Kubrick ou l’intuition infaillible concernant le choix des comédiens dont il fut, en quelque sorte, le pygmalion : Malcom Mac Dowel, Jack Nicholson, Marisa Berenson, Kirk Douglas, James Mason... offrant même à certains ce qu’il est communément appelé le "rôle de leur vie".
Si j’en reviens à la filmographie précédemment évoquée, je mettrai l’accent sur la beauté des paradoxes. En effet, "Lolita", c’est aussi un amour sincère et déraisonnable, "Orange Mécanique", c’est aussi un esprit raffiné et pétri de musique classique dans la tête d’un voyou d’aujourd’hui, ainsi que l’impossibilité pour le pouvoir de contrôler les fantasmes de l’individu, "2001, Odyssée de l’Espace", c’est aussi la supériorité et le mystère du temps sur nos certitudes, "Barry Lyndon", c’est aussi la beauté d’un film costumé sans bataille, une oeuvre qui respecte la couleur des peintres du XVIIIe siècle, "Eyes Wide Shut", c’est aussi l’audace et la liberté au féminin dans les rapports amoureux contemporains...
Et c’est également d’autres interprétations qui ne seront, en quelque sorte, jamais exhaustives puisque typiques d’un esprit brillant.
En artiste intuitif, Stanley Kubrick s’est fréquemment inspiré de la littérature pour ériger ses oeuvres. Citons Nabokov, Stephen King ou encore Arthur Schnitzler.
"Le meilleur allié de la limite", "Le doux ennemi de la censure", voilà deux expressions pour un metteur en scène majeur, exceptionnel, qui a dû essuyer des critiques virulentes... et recevoir de véritables dithyrambes.
Pour le plaisir, rappelons-nous quelques plans devenus mythiques, des plans emblématiques de son oeuvre, comme la tranche de bacon offerte par Lolita à Humbert Humbert, une tranche qu’elle suspend au-dessus de son visage avant de l’enjoindre à ouvrir ses mâchoires... comme le regard fiévreux d’Alex en train de fixer le portrait non moins fiévreux de Beethoven... comme le petit garçon qui roule dans les couloirs déserts de l’hôtel, à l’intérieur de sa voiture-jouet... comme le baiser entre un jeune soupirant et une dame de la haute société, sur le balcon, à l’extérieur du casino... comme le médecin prisonnier d’une orgie particulière, réelle ou fantasmée... comme encore la succession de temporalités différentes entre le mouvement ascendant d’un os projeté par un quadrumane et le mouvement descendant d’un vaisseau spatial...
Certains peuvent regretter un nombre quelque peu restreint de films, sur une longue carrière. Ainsi que des projets avortés tels que "Napoléon", un film qui aurait sûrement été unique, lui aussi. Mais tel était le rythme de Stanley Kubrick, un ryhme qui tenait le spectateur en haleine, un rythme qui transformait la sortie de ses oeuvres en événement.
Stanley Kubrick, metteur en scène hors norme, d’autant plus humain qu’il était fin stratège. Une définition qui ne lui aurait peut-être pas déplu.

 

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